Recourir à l’information sur le marché du travail pour favoriser un développement plus inclusif des compétences
Introduction
La pandémie de COVID-19, couplée aux progrès technologiques en cours, a engendré une « (PDF file) double disruption (external link) » pour les travailleurs et les demandeurs d’emploi, imposant l’adaptation de nos méthodes de travail ainsi qu’une modification des compétences nécessaires afin de mieux prospérer dans ce marché du travail en pleine mutation. À l’échelle mondiale, nous constatons que (PDF file) les compétences numériques et les compétences associées à l’innovation et à l’entrepreneuriat sont de plus en plus prisées. Parmi elles figurent notamment la résilience, la tolérance au stress, la souplesse, le leadership et l’utilisation de la technologie. Le Canada affiche des tendances similaires : les compétences socioémotionnelles et les compétences numériques essentielles ou intermédiaires sont fréquemment recherchées par les employeurs du pays. De fait, le cadre canadien Compétences pour réussir (external link) classe plusieurs (PDF file) compétences socioémotionnelles (external link) (à savoir la résolution de problèmes, la communication, la collaboration, l’adaptabilité, la créativité et l’innovation) et compétences numériques comme étant essentielles pour naviguer dans le monde actuel qui est en évolution rapide.
Si elle peut sembler anodine, la demande relative aux compétences socioémotionnelles et numériques a d’importantes répercussions en matière d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI) sur le marché du travail et en milieu de travail. En effet, les données probantes suggèrent que les groupes en quête d’équité, tels que les peuples autochtones, les personnes en situation de handicap, les femmes, les personnes racisées et les nouveaux arrivants, sont souvent victimes de discrimination au stade de l’évaluation de leur curriculum vitae, de leurs diplômes et de leurs compétences (external link) , celles socioémotionnelles en particulier. Pourtant, il est faux de présumer que la diversité nuit à la qualification. Au contraire, l’élimination de ces préjugés et la création de (PDF file) lieux de travail plus inclusifs (external link) ne contribueront qu’à étoffer le vivier de candidats talentueux. La lutte contre ces inégalités passe notamment par une évaluation plus objective des compétences socioémotionnelles, par une meilleure formation favorisant leur acquisition et par un renforcement de l’accès à des services inclusifs de développement des compétences.
La présente analyse synthétique fait partie de la série Perspectives sur le marché du travail financée par le Centre des Compétences futures et dirigée par le Diversity Institute de la Toronto Metropolitan University. S’articulant autour des thèmes du développement des compétences et de l’EDI, cet article explore les solutions qui peuvent être mises en œuvre par les acteurs de l’écosystème afin de promouvoir l’EDI dans leur travail. Nous commençons par présenter l’information récente concernant les compétences les plus recherchées sur le marché du travail canadien afin que les fournisseurs de services d’emplois sachent quelles compétences leurs clients doivent perfectionner dans une économie toujours aux prises avec la pandémie. Nous étudions ensuite comment procéder afin d’améliorer l’équité et l’inclusion de l’évaluation des compétences ainsi que de l’accès aux services de formation axée sur les compétences. À la lumière de ces éléments, nous constaterons qu’un changement d’approche de la part de nombreux acteurs de l’écosystème du développement des compétences est indispensable pour atteindre une vraie équité.
Compétences les plus recherchées par catégorie professionnelle et par niveau de compétence
Pour cerner les tendances des offres d’emploi publiées et les compétences recherchées, nous avons utilisé les données issues de la suite logicielle Vicinity Jobs Hiring Demand Analytics concernant les offres d’emploi publiées sur 12 mois, entre le 1er mai 2021 et le 30 avril 2022 (soit les données les plus récentes disponibles au moment de l’analyse). La base de données Vicinity Jobs est dotée d’une fonctionnalité exclusive permettant d’extraire et de compiler les compétences recherchées à partir des offres d’emploi et de classer les postes par type de profession. Entre le 1er mai 2021 et le 30 avril 2022, plus de 3,2 millions d’offres d’emploi ont été publiées en ligne. Les catégories professionnelles suivantes (selon la Classification nationale des professions (external link) , CNP) ont publié le plus grand nombre d’offres d’emploi au cours de cette période : vente et services (26,5 %); affaires, finances et administration (15,6 %) et métiers, transport, machinerie et domaines apparentés (11,3 %) (voir le tableau 1).
Tableau 1
Nombre d’offres d’emploi publiées en ligne par grande catégorie professionnelle (codes CNP à un chiffre) entre le 1er mai 2021 et le 30 avril 2022
Grande catégorie professionnelle |
n |
% |
---|---|---|
1. Vente et services
|
851 572 |
26,5 % |
2. Affaires, finance et administration
|
499 365 |
15,6 % |
3. Métiers, transport, machinerie et domaines apparentés
|
362 349 |
11,3 % |
4. Gestion
|
308 779 |
9,6 % |
5. Secteur de la santé | 218 501 |
6,8 % |
6. Enseignement, droit et services sociaux, communautaires et gouvernementaux
|
177 420 |
5,5 % |
7. Sciences naturelles et appliquées et domaines apparentés
|
141 701 |
4,4 % |
8. Fabrication et services d’utilité publique
|
80 515 |
2,5 % |
9. Arts, culture, sports et loisirs
|
33 809 |
1,1 % |
10. Ressources naturelles, agriculture et production connexe
|
27 998 |
0,9 % |
Offres d’emploi publiées sans mise en correspondance avec un code CNP |
506 074 |
15,8 % |
Total |
3 208 083 |
100,0 % |
Pour mieux comprendre les compétences qu’il est recommandé d’acquérir en fonction des carrières envisagées par les demandeurs d’emploi, nous avons dressé la liste des principales compétences recherchées par grande catégorie professionnelle et « niveau de compétence », en vertu des définitions de la CNP (external link) (voir les tableaux 2, 3, 4 et 5). Le « niveau de compétence » de la CNP peut être considéré comme le niveau de scolarité ou de formation généralement requis par certains postes (études universitaires, études postsecondaires ou programme d’apprentissage, formation professionnelle, etc.). Pour éviter toute confusion, nous emploierons ici le terme « exigences de scolarité ou de formation ». Certaines grandes catégories professionnelles proposent uniquement des emplois requérant un diplôme universitaire ou collégial, tandis que d’autres n’exigent jamais de formation de niveau universitaire, ce qui explique pourquoi toutes les catégories professionnelles ne sont pas répertoriées dans les tableaux 2, 3, 4 et 5.
Tableau 2
Dix compétences les plus recherchées pour les postes qui requièrent des études universitaires (niveau de compétence A de la CNP)
Rang |
Gestion |
Affaires, finance et administration |
Sciences naturelles et appliquées et domaines apparentés |
Secteur de la santé |
Enseignement, droit et services sociaux, communautaires et gouvernementaux |
Arts, culture, sports et loisirs |
---|---|---|---|---|---|---|
1 |
Leadership/chef de file |
Aptitudes à communiquer |
Travail d’équipe |
Aptitudes à communiquer |
Enseignement et formation |
Rédaction |
2 |
Aptitudes à communiquer |
Travail d’équipe |
Aptitudes à communiquer |
Leadership/chef de file |
Aptitudes à communiquer |
Travail d’équipe |
3 |
Travail d’équipe |
Microsoft Excel |
Leadership/chef de file |
Travail d’équipe |
Travail d’équipe |
Aptitudes à communiquer |
4 |
Service à la clientèle |
Planification |
SQL (Langage d’interrogation structuré) |
Planification |
Leadership/chef de file |
Anglais |
5 |
Planification |
Comptabilité |
Développement logiciel Agile |
Résolution de problèmes |
Habiletés interpersonnelles |
Souplesse |
6 |
Souplesse |
Leadership/chef de file |
Planification |
Habiletés interpersonnelles |
Planification |
Leadership/chef de file |
7 |
Sens de l’organisation |
Service à la clientèle |
Infonuagique |
Pensée critique |
Anglais |
Sens de l’organisation |
8 |
Rythme rapide |
Souci du détail |
Gestion de projet |
Sens de l’organisation |
Souplesse |
Souci du détail |
9 |
Habiletés interpersonnelles |
Habiletés interpersonnelles |
Résolution de problèmes |
Souplesse |
Sens de l’organisation |
Bilingue |
10 |
Budgétisation |
Microsoft Office |
Java |
Prise de décisions |
Français |
Gestion du temps |
Remarque : certaines grandes catégories professionnelles ne proposent pas d’emplois à tous les niveaux de compétence. C’est pourquoi elles ne sont pas toutes représentées dans ce tableau.
Tableau 3
Compétences les plus recherchées pour les postes qui requièrent des études postsecondaires ou un programme d’apprentissage (niveau de compétence B de la CNP)
Rang |
Affaires, finance et administration |
Sciences naturelles et appliquées et domaines apparentés |
Secteur de la santé |
Enseignement, droit et services sociaux, communautaires et gouvernementaux |
Arts, culture, sports et loisirs |
---|---|---|---|---|---|
1 |
Aptitudes à communiquer |
Travail d’équipe |
Aptitudes à communiquer |
Travail d’équipe |
Travail d’équipe |
2 |
Travail d’équipe |
Aptitudes à communiquer |
Travail d’équipe |
Aptitudes à communiquer |
Aptitudes à communiquer |
3 |
Microsoft Excel |
Souci du détail |
Habiletés interpersonnelles |
Premiers soins |
Souplesse |
4 |
Sens de l’organisation |
Anglais |
Sens de l’organisation |
Enseignement et formation |
Service à la clientèle |
5 |
Microsoft Office |
Service à la clientèle |
Prise de décisions |
Souplesse |
Enseignement et formation |
6 |
Souci du détail |
Sens de l’organisation |
Résolution de problèmes |
Habiletés interpersonnelles |
Leadership/chef de file |
7 |
Microsoft Word |
Habiletés interpersonnelles |
Réanimation cardiorespiratoire (RCR) |
Anglais |
Premiers soins |
8 |
Service à la clientèle |
Microsoft Office |
Leadership/chef de file |
Réanimation cardiorespiratoire (RCR) |
Habiletés interpersonnelles |
9 |
Habiletés interpersonnelles |
Dépannage |
Souplesse |
Planification |
Anglais |
10 |
Rythme rapide |
Bilingue |
Service à la clientèle |
Sens de l’organisation |
Sens de l’organisation |
Tableau 3
Rang |
Vente et services |
Métiers, transport, machinerie et domaines apparentés |
Ressources naturelles, agriculture et production connexe |
Fabrication et services d’utilité publique |
---|---|---|---|---|
1 |
Travail d’équipe |
Travail d’équipe |
Travail d’équipe |
Travail d’équipe |
2 |
Service à la clientèle |
Aptitudes à communiquer |
Souci du détail |
Aptitudes à communiquer |
3 |
Rythme rapide |
Anglais |
Anglais |
Souci du détail |
4 |
Aptitudes à communiquer |
Souci du détail |
Sens de l’organisation |
Leadership/chef de file |
5 |
Souplesse |
Service à la clientèle |
Aptitudes à communiquer |
Anglais |
6 |
Anglais |
Cadence rapide |
Rythme rapide |
Habiletés interpersonnelles |
7 |
Sens de l’organisation |
Dépannage |
Travail sous pression |
Dépannage |
8 |
Souci du détail |
Souplesse |
Leadership/chef de file |
Souplesse |
9 |
Travail sous pression |
Habiletés interpersonnelles |
Service à la clientèle |
Santé et sécurité au travail |
10 |
Habiletés interpersonnelles |
Leadership/chef de file |
Souplesse |
Rythme rapide |
Remarque : certaines grandes catégories professionnelles ne proposent pas d’emplois à tous les niveaux de compétence. C’est pourquoi elles ne sont pas toutes représentées dans ce tableau.
Tableau 4
Compétences les plus recherchées pour les postes qui requièrent des études secondaires ou une formation professionnelle (niveau de compétence C de la CNP)
Rang |
Affaires, finances et administration |
Secteur de la santé |
Enseignement, droit et services sociaux, communautaires et gouvernementaux |
Ventes et service |
---|---|---|---|---|
1 |
Aptitudes à communiquer |
Aptitudes à communiquer |
Aptitudes à communiquer |
Service à la clientèle |
2 |
Travail d’équipe |
Travail d’équipe |
Souplesse |
Travail d’équipe |
3 |
Service à la clientèle |
Sens de l’organisation |
Sens de l’organisation |
Aptitudes à communiquer |
4 |
Souci du détail |
Habiletés interpersonnelles |
Travail d’équipe |
Souplesse |
5 |
Sens de l’organisation |
Service à la clientèle |
Habiletés interpersonnelles |
Ventes |
6 |
Microsoft Excel |
Anglais |
Premiers soins |
Rythme rapide |
7 |
Comptabilité |
Prise de décisions |
Service à la clientèle |
Souci du détail |
8 |
Microsoft Office |
Réanimation cardiorespiratoire (RCR) |
Anglais |
Leadership/chef de file |
9 |
Microsoft Word |
Souplesse |
Réanimation cardiorespiratoire (RCR) |
Habiletés interpersonnelles |
10 |
Anglais |
Souci du détail |
Autodidacte/Motivé |
Sens de l’organisation |
Tableau 4
Rang |
Métiers, transport, machinerie et domaines apparentés |
Ressources naturelles, agriculture et production connexe |
Fabrication et services d’utilité publique |
---|---|---|---|
1 |
Travail d’équipe |
Anglais |
Travail d’équipe |
2 |
Service à la clientèle |
Travail d’équipe |
Souci du détail |
3 |
Aptitudes à communiquer |
Rythme rapide |
Anglais |
4 |
Souci du détail |
Souci du détail |
Aptitudes à communiquer |
5 |
Souplesse |
Français |
Rythme rapide |
6 |
Chariots élévateurs |
Bilingue |
Français |
7 |
Anglais |
Souplesse |
Sens de l’organisation |
8 |
Rythme rapide |
Travail sous pression |
Bilingue |
9 |
Sens de l’organisation |
Sens de l’organisation |
Leadership/chef de file |
10 |
Gestion du temps |
Habiletés interpersonnelles |
Souplesse |
Remarque : certaines grandes catégories professionnelles ne proposent pas d’emplois à tous les niveaux de compétence. C’est pourquoi elles ne sont pas toutes représentées dans ce tableau.
Tableau 5
Compétences les plus recherchées pour les postes qui requièrent une formation en cours d’emploi ou sans exigences scolaires particulières (niveau de compétence D de la CNP)
Classement |
Ventes et service |
Métiers, transport, machinerie et domaines apparentés |
Ressources naturelles, agriculture et production connexe |
Fabrication et services d’utilité publique |
---|---|---|---|---|
1 |
Service à la clientèle |
Travail d’équipe |
Travail d’équipe |
Travail d’équipe |
2 |
Travail d’équipe |
Anglais |
Souci du détail |
Anglais |
3 |
Aptitudes à communiquer |
Rythme rapide |
Rythme rapide |
Souci du détail |
4 |
Souplesse |
Souplesse |
Anglais |
Rythme rapide |
5 |
Rythme rapide |
Aptitudes à communiquer |
Souplesse |
Français |
6 |
Souci du détail |
Service à la clientèle |
Sens de l’organisation |
Bilingue |
7 |
Anglais |
Échafaudages/Échafauds |
Service à la clientèle |
Aptitudes à communiquer |
8 |
Sens de l’organisation |
Habiletés interpersonnelles |
Habiletés interpersonnelles |
Souplesse |
9 |
Santé et sécurité au travail |
Souci du détail |
Français |
Leadership/chef de file |
10 |
Habiletés interpersonnelles |
Français |
Bilingue |
Habiletés interpersonnelles |
Fait intéressant, les dix compétences les plus recherchées par les employeurs dans chaque catégorie professionnelle relèvent en grande partie des compétences socioémotionnelles (external link) , même lorsque nous tenons compte des exigences de scolarité ou de formation (tableaux 2, 3, 4 et 5). D’après cette analyse, le travail d’équipe fait partie des compétences les plus prisées dans chaque grande catégorie professionnelle et quelles que soient les exigences de scolarité ou de formation. Parmi les autres compétences fréquemment recherchées figurent les aptitudes à communiquer, la souplesse, le sens de l’organisation et les habiletés interpersonnelles. L’acquisition d’un tronc commun de compétences socioémotionnelles permet donc de créer une base indispensable au développement de carrière ou à la transition dans toutes les catégories professionnelles.
Certaines compétences peuvent quant à elles favoriser le passage d’une catégorie professionnelle à une autre. Ainsi, parmi les postes qui requièrent une formation universitaire, les compétences en matière de leadership et de planification sont très prisées dans la plupart des grandes catégories. Pour les postes qui requièrent une formation en cours d’emploi ou sans exigences scolaires particulières, le rythme rapide, le souci du détail et l’anglais s’avèrent les principales compétences recherchées, toutes catégories professionnelles confondues. Les fournisseurs de formation axée sur les compétences peuvent aider les demandeurs d’emploi à faire preuve de résilience dans une économie en mutation en proposant des programmes qui favorisent l’acquisition d’un tronc commun de compétences transférables, utiles dans une multitude de domaines et à différentes étapes du cheminement de carrière.
Si les données mettent en évidence les principales compétences requises en fonction des catégories d’emploi et des étapes de l’échelle de carrière, elles n’indiquent pas l’importance de chaque compétence pour exercer avec succès les fonctions concernées. À cet égard, diverses compétences techniques ou spécialisées, ainsi que la connaissance de certains outils, s’avèrent sans aucun doute pertinentes et importantes. Face à la multiplication des (PDF file) réorientations professionnelles et changements d’emploi au cours de la vie active, la prévalence des (PDF file) compétences socioémotionnelles dans l’ensemble des catégories professionnelles (external link) tend à valoriser l’acquisition d’un tronc commun de compétences fondamentales.
Il convient toutefois d’émettre quelques réserves quant à cette analyse. En effet, près de 16 % des offres d’emploi n’ont pas pu être mises en correspondance avec une catégorie de la CNP (tableau 1). De plus, les offres d’emploi ne contenaient pas suffisamment de renseignements relatifs aux exigences de scolarité ou de formation ou sur les compétences requises pour exercer les fonctions concernées, ce qui a conduit à l’exclusion d’un certain nombre d’offres de l’analyse (à hauteur de 6 % à 30 % des annonces par catégorie professionnelle). Dans la mesure où ces exclusions avaient plus de chances de concerner des catégories professionnelles données, une surreprésentation ou une sous-représentation de ces dernières est possible. En outre, l’année 2021 a été particulière (external link) en raison de la pandémie de COVID-19, laquelle a eu des répercussions négatives sur certains secteurs tout en engendrant une explosion des embauches dans d’autres.
Évaluation inclusive des compétences
Vu la demande observée dans les offres d’emploi publiées en ligne l’an dernier, y compris dans des catégories professionnelles traditionnellement associées aux compétences techniques ou spécialisées, (PDF file) les compétences socioémotionnelles comptent parmi les plus indispensables. Toutefois, il convient de replacer cette tendance dans le contexte des pénuries de main-d’œuvre qualifiée qui sévissent dans l’économie canadienne alors que, dans le même temps, les pans de la population active en pleine croissance (peuples autochtones, immigrants ou personnes racisées, entre autres exemples) sont généralement sous-employés.
Divers obstacles au niveaux sociétal, organisationnel et individuel empêchent la pleine participation des personnes issues de groupes en quête d’équité sur le marché du travail canadien (external link) , et pourtant, le Canada peut se tourner vers ces groupes afin de remédier aux pénuries de main-d’œuvre qualifiée au pays. Aux niveaux sociétal et organisationnel, il est à déplorer que les titres de compétences ont traditionnellement servi de substitut à l’évaluation des compétences socioémotionnelles, car cela signifie que le marché du travail favorise les personnes qui ont les moyens de suivre des études. Par conséquent, le fait d’exiger un diplôme plutôt qu’une compétence constitue un obstacle majeur entravant le processus d’embauchage et de promotion.
De plus, il est avéré que les compétences socioémotionnelles appelées également « savoir-être » sont plus sujettes aux préjugés personnels (external link) que les compétences spécialisées soit celles du « savoir-faire » : (PDF file) les femmes et les personnes racisées (external link) sont ainsi jugées moins susceptibles de posséder certaines compétences générales ou obtiennent une évaluation défavorable des compétences qu’elles possèdent. À titre d’exemple, les femmes ont tendance à obtenir une évaluation moins favorable (external link) sur le plan des compétences socioémotionnelles qui sont stéréotypées comme étant « masculines », comme le leadership, ce qui engendre des écarts de salaire et instaure une ségrégation professionnelle. Au Canada, les personnes racisées sont plus susceptibles que les personnes non racisées de déclarer qu’elles ont fait l’objet de commentaires sur leurs aptitudes à la communication, qu’elles ne se sentent pas à leur place au travail et que (PDF file) leurs perspectives de carrière s’enlisent (external link) . Selon une vision stéréotypée, les immigrants, qui comptent un bon nombre des personnes racisées, posséderaient quant à eux moins de compétences générales que la population canadienne de naissance. Ce préjugé découle à la fois de la compétence linguistique perçue et de la dévalorisation de l’expérience internationale. Sans cadre clair pour orienter l’évaluation des compétences, les préjugés peuvent contribuer à aggraver les inégalités sur le marché du travail.
Il est capital de placer l’accent sur le renforcement de l’évaluation des compétences socioémotionnelles de façon à éliminer les zones d’ombre potentielles qui nuisent au processus d’embauchage et d’évaluation des talents, et à ouvrir ainsi l’accès à un vivier de talents déjà disponibles (mais sous-utilisés). Il s’avère en outre impératif de redéfinir le mode d’évaluation des compétences socioémotionnelles afin d’améliorer l’inclusivité du marché du travail canadien. Diverses pistes prometteuses se dessinent pour réduire l’influence des stéréotypes et des préjugés personnels dans l’évaluation des compétences générales. Parmi elles, citons l’approche du (PDF file) cadre Compétences pour réussir de la SRSA (external link) , qui recense plusieurs stratégies permettant d’évaluer les compétences socioémotionnelles de manière plus objective.
Voies d’accès inclusives pour la formation axée sur les compétences
L’évaluation plus objective des compétences ne sera d’aucune utilité pour les personnes issues de groupes en quête d’équité si ces dernières ne peuvent bénéficier d’une formation appropriée. Or, cet accès est entravé par deux difficultés majeures. Premièrement, les programmes de formation doivent cibler précisément les compétences dont les employeurs ont besoin. Constituant un bon indicateur des types de compétences recherchées, les données d’information sur le marché du travail devraient servir à éclairer les programmes de formation axée sur les compétences, de façon à suivre les besoins du marché à mesure qu’ils évoluent. Deuxièmement, il faut que toute voie d’accès aux programmes de formation axée sur les compétences soit inclusive et accessible.
Pour améliorer l’inclusion et l’accessibilité, les fournisseurs de services doivent connaître les obstacles cognitifs et financiers auxquels se heurtent les candidats et savoir quelles peuvent être les conséquences sur la participation de ces derniers aux programmes de formation axée sur les compétences. D’après les (PDF file) réponses de quelque 6 600 participants à une enquête menée par l’Environics Institute (external link) en partenariat avec le Diversity Institute et le Centre des Compétences futures (external link) , les personnes estimant ne pas avoir un niveau de revenu suffisant pour couvrir leurs besoins étaient nettement moins susceptibles de réussir à maintenir un équilibre entre leurs priorités professionnelles, scolaires, familiales et personnelles; avaient moins de chances d’envisager l’avenir avec optimisme; et étaient plus susceptibles d’éprouver des symptômes de dépression que les personnes ayant un niveau de revenu adéquat. Par ailleurs, les personnes autochtones (comparativement à leurs homologues non autochtones), les femmes (comparativement aux hommes) et les personnes âgées de 45 à 54 ans (comparativement aux tranches d’âge des 18-34 ans et des 55 ans et plus) risquaient davantage de ne pas réussir à joindre les deux bouts ou d’avoir des difficultés financières. Pour concevoir des programmes et des soutiens inclusifs, il est primordial de comprendre comment ces fardeaux peuvent nuire à la participation aux programmes de développement de compétences et de reconnaître qu’ils touchent plus lourdement certains groupes.
Les recherches sur le comportement (external link) , en particulier la littérature traitant de la précarité, fournissent une explication utile sur la corrélation entre les fardeaux financiers et mentaux, d’une part, et la difficulté accrue à participer à des programmes de formation axée sur les compétences ou à en tirer profit, d’autre part. La précarité (external link) désigne les situations dans lesquelles une personne manque de temps ou d’argent ou doit gérer des sollicitations multiples, engendrant alors des préoccupations (notamment sur le plan financier), des symptômes de dépression (external link) et/ou le sentiment de ne pas être à la hauteur. D’un point de vue comportemental, la précarité joue un rôle important, car elle accapare notre attention et épuise nos ressources mentales, ce qui nous conduit à négliger d’importantes priorités malgré toutes nos bonnes intentions. Cela s’explique par la « vision en tunnel » que fait naître la précarité et qui nous pousse à réfléchir uniquement au problème le plus immédiat (par exemple : comment réussir à payer le loyer, où prendre le prochain repas, comment trouver l’équilibre entre travail et vie familiale). La précarité empêche de se pencher sur les questions hors de ce champ de vision, c’est-à-dire qu’elle réduit le degré d’attention (ou la « bande passante ») disponible pour prendre de bonnes décisions, suivre un plan et gérer toutes les autres facettes de la vie quotidienne en général. Il est important de souligner que les effets de la précarité sont involontaires et, s’ils ne concernent pas exclusivement les groupes en quête d’équité, ils ont tendance à les toucher de manière disproportionnée.
La notion de précarité est pertinente aux fins de concevoir des services de formation axée sur les compétences inclusifs et accessibles. L’écosystème de la formation axée sur les compétences doit se demander comment aider les personnes en situation de précarité (vie déséquilibrée, sentiment de désespoir) à profiter pleinement des ressources dont il recèle. La solution réside en partie dans la mise en place de mesures d’accompagnement globales, adaptées et constructives allant des services adaptés sur le plan culturel aux soutiens en matière de santé mentale, en passant par l’accès à la technologie, les services de garde d’enfants ou les mesures de soutien du revenu pour les personnes en proie avec le fardeau de la pauvreté. Si ces soutiens sont indéniablement nécessaires, il reste encore beaucoup à faire afin de déterminer comment les associer au mieux dans l’optique de favoriser l’accès à la formation et à l’éducation. Dans l’ensemble, tous les outils susmentionnés s’avèrent importants, au même titre que la connaissance des programmes disponibles et de l’information stratégique sur le marché du travail (passerelles vers l’emploi et compétences requises par les employeurs, notamment). Par-dessus tout, il est capital que l’accès aux programmes et la présentation de l’information stratégique sur le marché du travail soient aussi simples et (PDF file) sans entrave (external link) que possible.
Conclusion
Alors que l’économie canadienne s’adapter aux effets de la pandémie de COVID-19 et aux évolutions constantes de la technologie, les services d’emploi ont la possibilité de jouer un rôle crucial dans la réussite des demandeurs d’emploi. La présente analyse synthétique passe en revue les principales compétences — socioémotionnelles pour la plupart — recherchées par les employeurs et met en lumière quelques éléments clés à prendre en compte pour lever les obstacles entravant la participation aux programmes d’emploi (grâce à la mise en place de mesures d’accompagnement globales, par exemple) et mieux évaluer les compétences générales.
La présente analyse arrive également à la conclusion que l’information sur le marché du travail doit être exploitée en association avec d’autres renseignements démographiques et données sur la qualité de vie afin d’alimenter le dialogue en matière d’EDI. Statistique Canada mène des travaux prometteurs en la matière et à plus grande échelle avec le lancement du Carrefour de la qualité de vie (external link) , qui regroupe des indicateurs sociaux, économiques et environnementaux clés visant à éclairer la prise de décision. Suivre cette approche en associant information sur le marché du travail et compréhension de l’expérience vécue par les utilisateurs potentiels (en particulier ceux issus de groupes en quête d’équité) permettra de concevoir des programmes et des soutiens à la fois performants et réellement inclusifs.
Afin de favoriser l’inclusivité de l’information sur le marché du travail et des programmes de formation axée sur les compétences, il est nécessaire que l’écosystème des compétences mène des efforts coordonnés pour aller à la rencontre des demandeurs d’emploi, là où ils se trouvent. L’information sur le marché du travail doit être actualisée et facile d’accès, afin que les demandeurs d’emploi et les fournisseurs de formation axée sur les compétences puissent se tenir au fait des dernières évolutions. Les employeurs sont, quant à eux, invités à revoir leurs processus d’évaluation des compétences pour garantir l’absence de préjugés en matière d’embauche, de maintien en poste et de promotion du personnel. Enfin, la prestation d’accompagnements globaux s’accompagnant d’une information pertinente sur le marché du travail et d’une évaluation objective des compétences pourrait contribuer à améliorer l’inclusion au sein des services de formation axée sur les compétences et à rendre ces derniers plus attrayants pour les utilisateurs.
Les données du tableau proviennent de la Hiring Demand Analytics Suite de Vicinity Jobs (external link) .
Auteurs :
Yuna Kim, associée de recherche principale, Diversity Institute de la Toronto Metropolitan University
James Walton, associé de recherche, Diversity Institute de la Toronto Metropolitan University
Perspectives du marché du travail
Une série de rapports de recherches par le Diversity Institute
Les rapports de la série Perspectives du marché du travail par le Diversity Institute couvrent une variété de sujets pertinents en lien avec l’étude des marchés du travail et sont basés sur des analyses de données recueillies à partir d’offres d’emploi en ligne dans tout le Canada, ainsi que d’autres sources de données traditionnelles et innovantes. Ce projet est financé par le Centre de Compétences futures (external link) du gouvernement du Canada.